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Depuis le XIXème siècle, le tannat a deux patries: Madiran et l'Uruguay. La première est le berceau de ce cépage viril, la seconde lui a donné une nouvelle identité. Deux styles révélés par une dégustation où les madirans haut de gamme l'emportent et qui souligne l'ambition des tannats uruguayens. Par Pierre Casamayor.
Cépage viril, le tannat s'est d'abord épanoui en terre gasconne, dans ce Sud-Ouest tout acquis au rugby. Là où de solides gaillards ne rechignent pas devant une garbure ou un confit de canard. Des plats qui acceptent et domptent la force tannique parfois brutale des vins de Madiran, d'lrouléguy ou du Béarn. Autant de crus qui arborent volontiers le béret et qui, à l'image du sport favori de ce piémont pyrénéen, affichent des allures de voyous mais sont toujours bus par des gentlemen !
Importé par les bergers Autre terre mais même cépage, l'Uruguay est le seul endroit au monde où le tannat a su s'expatrier. Il fut amené à la fin du XIXème siècle par les bergers qui émigraient en Amérique du Sud pour fuir la misère. C'est Pascual Harriague, Basque bon teint, qui introduisit ici les vignes de son pays. Elles s'acclimatèrent sur les terrains plutôt riches de Montévidéo où se concentrent aujourd'hui 90 % du vignoble. Les zones du littoral sud-ouest et la côte du nord-ouest présentent des terroirs plus rocailleux. Le climat est tempéré, avec un taux de pluies élevé. Il faut bien avouer que le tannat d'Uruguay ne ressemble guère à son parent gascon. Conduit à de très grands rendements, il n'a ni la couleur profonde ni la force tannique des madirans. Cépage tardif, il a besoin de temps pour arriver à sa maturité phénolique. Les pluies peuvent perturber son équilibre, mais de grands progrès sont réalisés en déchargeant les vignes pour qu'elles mûrissent plus tôt, ce que Madiran avait compris en son temps pour accomplir sa révolution qualitative. L'acidité naturelle du cépage est un atout pour équilibrer la richesse alcoolique, les tannats uruguayens sont à ce titre plus frais que les autres vins d 'Amérique du Sud. Notre dégustation a bien séparé les deux styles, même si parfois les dégustateurs ont pu être abusés par des tanins trop raides pour être sudistes ou par la richesse des 2003. Si les madirans haut de gamme occupent sans surprise les premières places, les tannats d'Uruguay se sont très honorablement comportés, certains avec l'ambition évidente de jouer dans la cour des grands.
PRIMO PALATUM Madiran « Classica » 2003 7/10 Un nez épicé, avec des notes boisées appuyées. La bouche est dense, enrobée, avec des tanins arrondis par l'élevage, une finale profonde, aux notes cacao. De la sucrosité mais bien tendue. |
